“Gbé Yèku
En se levant, il a frappé la tête contre le bois.
Depuis ce jour, il sait s’abaisser.
C’est en plein midi que le jour attrape la nuit.
L’ombre ne s’attrape pas.
Qui fuit son ombre, se fatigue s’il n’empêche pas le lever du soleil.
Affirmation.
Babalawo Ogbé Rè Oyèku Jè,
Prenez votre place :
‘Ìba Awon Aja Òna
Le Dieu Oro ne savait pas entretenir sa dignité et son honneur.
Il ne se prenait pas au sérieux.
Il mangeait tout seul tout ce que tout le monde lui apportait.
Il vidait tout seul toutes les gourdes de vin de palme et de mil que tout le monde lui offrait.
Soûlé par la nourriture et le vin, Oro s’abandonnait aux regards moqueurs des femmes et des enfants.
Hommes, femmes et enfants le provoquaient en palabres conflictuels et irrespectueux des règles communautaires.
Même les feux de brousse ravageaient ses vêtements.
Au milieu des Dieux, Oro essuyait affront et déshonneur.
Êtres humains et Dieux considéraient sa venue sur la terre comme une erreur du Ciel.
Par un temps de lucidité, Oro consulte Ifa.
Gbé Yèku intervient et lui dit :
‘C’est en s’affirmant que les grands arbres désherbent leurs champs.
Quand un arbre s’affirme, son ombre ne s’attrape pas.
C’est fort de ce principe que l’iroko est craint.’
Oro prépare beaucoup de pâtes de maïs et d’igname, de gâteaux de haricot et de graines de sésame, de sauces de viandes et de poissons.
Oro s’emplit l’estomac jusqu’à la gorge.
Bien repu, il invite son entourage à venir terminer avec lui, le festin qu’il a commencé.
Oro est méconnaissable.
Il a grossi comme un monstre.
Il était devenu un géant animal.
Sa voix avait changé.
Il parlait comme le vent.
Tout Ègba le méconnut.
Les femmes et les enfants ne pouvaient plus l’approcher.
Seuls les hommes assoiffés et affamés avaient résisté à la voix caverneuse du Grand Oro et sont restés auprès de lui.
Ils ont bu et mangé à satiété.
En signe de gratitude, ils reconstruisirent le couvent du Dieu.
Oro repris sa place au milieu des Òrun Mulè .
Et pour entretenir sa légendaire gourmandise,
Oro perfectionne ses apparitions.
En cuisine, il s’applique à préparer lui-même les mets qu’il destine à ses invités.
Jusqu’à ce jour, sa qualité de chef continue de lui valoir la jalousie des femmes.
En musique, Oro développe l’art de multiplier les voix et les sons.
En stratégie ludique propre à ses manifestations, Oro est passé maître en dissimulation.
En magie, les couvents lui doivent l’art d’apparaître à plusieurs endroits en même temps.
Le courage de ce Dieu laisse d’autres leçons de vie qui se lisent dans les yeux de ses fidèles féminins.'”
Extrait du Livre de Cham
