“Gbé Sa
Irawo, kpèlè !
Celui qui, aujourd’hui, a vu un marigot ne peut pas croire que demain l’océan apparaîtra à la place de l’eau stagnante qu’il a vue.
‘L’océan peut apparaître partout’, disent les rêveurs.
Par fragments ou entièrement, leur rêve de richesse et magie les absorbe.
Les voici au bord de l’océan.
À la vue de l’immensité bruyante, ils se sont dits :
‘Nos lamentations font trembler cette eau.
Celle-ci, sensible à nos pleurs, abrite sans doute un Dieu.
Ce Dieu nous écoute et va bientôt paraître.’
Se gonflant et se dégonflant comme l’écume à leurs pieds, ils chantent nuit et jour en espérant voir leur rêve se réaliser.
Et voilà l’invisible qui les tient asservis.
Au bout de plusieurs jours d’attente, ils virent au loin une forme quelconque émerger et disparaître en un éclair.
Ils ont vu ce qu’ils recherchaient.
Même ceux qui n’ont rien vu, y ont cru.
Alors, ils rassemblent des pierrailles maritimes en vue d’ériger un site à l’entité qui a repéré leurs incantations.
Comment nommer ce Dieu marin ?
Inspiré, le meneur du groupe demande à chacun de raconter son histoire et décrire la forme qu’il a aperçue au loin sur l’océan.
Bref.
Autant de participants tristes ou émerveillés, autant de récits larmoyants ou rieurs.
Les descriptions de la forme entrevue arrivent choquantes, bien différentes les unes des autres.
Les rêveurs ne trouvent point un nom élogieux à donner à leur vision ni à leur Dieu.
Ils se rendent alors chez Ifa afin de s’accorder sur leur projet consolatoire.
Gbé Sa leur dit :
‘L’unité sert de miroir à la multitude.
Ce que vous avez vu là-bas est le reflet de chacun de vous.
Asséchez l’océan et vous vous verrez plus nettement.
À ce travail, on n’invite pas son corps,
Les yeux n’y voient rien,
C’est à son Aura qu’on fait appel.
À votre Dieu, donnez ce nom : Irawo.'”
Extrait du Livre de Cham
