LE SECRET

10 août 2019

LE SECRET

Quarante-cinquième apologie : Le Secret.

Le Sage développe la notion de la sorcellerie avec une image des contours pitoyables de nos sociétés actuelles. Il insinue qu’aucun compromis ne peut enrayer cette réalité à la fois conceptuelle et expérimentale. Le prêtre, instruit de tolérance et de compréhension, ne répugne pas à vivre avec d’autres manifestations de la vie, si obscures et si cruelles soient-elles; bien au contraire, il en tire des forces pour son propre progrès et celui de l’humanité. Le sage explique que l’indifférence ne combat pas le mal et que le pessimisme béat n’est qu’une démission gratuite devant la réalité des doctrines de la vie et de l’évolution.

Le Sage :

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  1. Mon fils, croyance est-elle synonyme de science? Va dans le sens de la vie. Ne lui tourne pas le dos. Ne t’oppose à ses lois qu’après une préparation.
  2. Orunmila, Chaman Odou Nla, Obba Kousso, Oduduwa, Agamrara, Japiti Ija Okan, Shemon Shegoun,… tous l’ont enseigné:
  3. la Nuit nous protège du marasme.
  4. Pour t’en convaincre, jette un regard intérieur sur nos sociétés actuelles.
  5. La cruauté n’est plus épouvantable. A chaque détour des rues et des brousses quelqu’un meurt massacré.
  6. Des cadavres jonchent les champs de bataille. Pour des causes illicites, des enfants meurent couverts de sang d’innocents.

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  1. Les émotions se perdent dans les vallées de la méchanceté.
  2. Des voleurs, des brigands, des tueurs, des gens sans scrupules commettent d’abominables forfaits au nom du Bien si ce n’est pas au de Dieu.
  3. Les cris de détresse ne repoussent pas le Mal.
  4. Il semble que devant le progrès, la vie se déshabille, elle se dépouille de sa chair au point qu’aucun vêtement ne puisse plus la recouvrir.
  5. Tout se passe comme Trukpin-Aklan l’a su bien décrire: « Sous un froid insidieux, les uns sont nus, les autres sont habillés.
  6. Les uns ne savent pas de quoi et comment souffrent les autres.
  7. Or ils sont tous rassemblés pour répondre à une question: pourquoi le froid et faut-il se protéger contre lui ?»

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  1. Mon fils, pendant longtemps, des corps humains saigneront pour écrier un seul mot : « misère ».
  2. Sauf que quelquefois, un geste vague, aussi nu que la vie qui le porte, viendra ralentir le pourrissement.
  3. Toujours, la fantaisie des uns et des autres sculptera des esprits humains.
  4. Avec des objets tranchants, les uns et les autres membres de la famille génératrice de la cupidité et de la puissance, rapetisseront, façonneront des corps humains à l’image de leur désir.

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  1. Regarde les enfants des campagnes crier de joie sous le halo éblouissant du progrès.
  2. Ce n’est certainement pas dans leurs habitudes de voir ce monde féerique.
  3. Je te le révèle, tous les soirs, ils coulent des larmes dans des cachettes où personne ni même ces belles lumières ne les voient.
  4. Tous les jours, ils se réveillent avec dans les oreilles, le haro des vivats des sculpteurs, dans la gorge, l’amertume des fêtes de la victoire de leurs meurtriers.
  5. Peut-être que demain, au milieu des tableaux riants de la civilisation moderne, ils peindront leur misère joyeuse.
  6. Je sais que si rien ne venait troubler leur quiétude, ils vivraient longtemps heureux avec leur dite misère.
  7. Ils ne sauraient pas se comparer à d’autres beautés de la vie. Ils mûriraient leur état, s’en seraient convaincus et s’affirmeraient tel quel sans remords et sans chagrin.
  8. Ils se réjouiraient de leurs chasses, de leurs naissances, de leurs champs de mil, de tout ce qui contribue, sans grand bruit, à leur vie communautaire consolidée par des pactes, fortifiée par une entente séculaire, bénie par leurs dieux.
  9. Ils perfectionneraient leurs dons selon leurs besoins et leur milieu de vie.
  10. Hélas, tous les jours, autour d’eux, se manifestent les lumières, les couleurs, les sons qui les arrachent à leur béatitude, les détournent de leurs habitudes, de leurs chemins, de leurs vêtements et de leurs nourritures.
  11. Alors ils se mêlent à la tragique lutte des progrès aveuglants.
  12. Quelle atrocité! Des sociétés génocidaires passent et les emportent dans la foulée des combats sans victoire. Ils sont, tout au plus, les martyrs d’une cause sombre ou d’un idéal décadent.

10

  1. Regarde les sculpteurs, ils se protègent. Ils portent des masques.
  2. On ne perçoit d’eux que les yeux qui, comme leurs outils, percent les corps et façonnent des visages.
  3. Les débris des objets qu’ils travaillent ne touchent pas leur corps. Ils ne se salissent pas.
  4. Ils regardent et la lumière en eux se répand sur leurs œuvres.
  5. Ils parlent et la salive de leur bouche embellit les corps qu’ils fabriquent.
  6. Les sculpteurs n’attendent pas Dieu. Ils bénissent eux-mêmes les traits que forme leur volonté.

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  1. Les objets fabriqués ne savent pas. On leur dit riez et ils rient, dansez et ils dansent.
  2. Le sculpteur sait mesurer les coups de marteau qu’il donne à son burin. Il sait déployer ses forces pour que ses désirs prennent forme.
  3. A quoi obéissent les sculpteurs si ce n’est pas à une tradition de fabricants ou de tailleurs de pierres?
  4. Et les objets fabriqués? Si ce n’est pas à une tradition ancestrale d’inertie et de contemplation?
  5. Notre civilisation, sur tous les plans, nous suggère un choix pour l’apprécier: sculpteur ou bois, humanisme ou barbarisme, meurtrier ou victime.

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  1. Nous vivons une situation analysée par Tchè-Fu :
  2. « Vous ne savez plus être généreux. Votre idéal est brisé. La tolérance vous fatigue.
  3. Vous n’avez plus confiance en vous-mêmes.
  4. Vos convictions sont annihilées.
  5. Dans vos maisons, les méchants sont plus nombreux que les bons.
  6. Les époux, les épouses et les enfants sont affaiblis et tués.
  7. Aucune mesure n’est prise contre le mal envahissant et vous devenez complices d’une tromperie criminelle, d’un malheur généralisé. Comme les autres, vous serez aussi affaiblis et tués. »

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  1. Pendant longtemps, la domination bâtira des tombereaux de la quiétude pour les peuples asservis.
  2. Ceux-ci n’auront plus rien à tracer sans mesurer leur misère.
  3. Leurs arts, leurs architectures, leurs instruments de musique s’en seront imprégnés.
  4. Il ne se passera plus un jour où, revenus des fêtes, ils s’asseyent, palabrent, méditent et se couchent.
  5. Ils n’auront plus ce temps.
  6. Tous les soirs désormais, ils quêteront des lits mortuaires dans des bâtisses glaciales et inconfortables.
  7. Quelles solutions envisagées? Des sacrifices. C’est vite dit.
  8. Car rien ne changera si nous, Prêtres de la Science Suprême, collaborons à la fabrication des chaînes qui nous enserrent tous.

14

  1. Mort à la sorcellerie est un cri inutile.
  2. Ce monde occulte ne changera jamais de rôle mais peut changer de sujet.
  3. Depuis toujours, Woli souffre de maux de ventre pour avoir mangé le mouton de sa mère.
  4. Mais, voyez, ce sacrilège lui a permis de connaître la prévention des coliques.

15

  1. Quand devant un enfant atteint d’une maladie grave, Sa-Yèkou dit « Un tiers est en train de tuer ton enfant », c’est dire que cette maladie n’est pas ordinaire, elle relève de la sorcellerie.
  2. Mais de quel genre de sorcellerie s’agit-il dans ce cas précis.
  3. On atteint la Vérité non en reculant, mais en avançant.
  4. Or c’est par des bonds dans le passé que la tradition se maintient.
  5. N’en profitons pas pour servir des intérêts meurtriers ou pour allumer la révolte des ignorants.

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  1. Lètè-Abla dit en substance, quand l’intelligence sentira le Bien comme un instrument de sa propre préservation, elle n’agira plus pour le Mal.
  2. Point n’est besoin de changer de système. Dans la Tradition, tout est prédit, tout est prévu.
  3. Chaque nouvelle compréhension que nous en avons libère la précédente, l’éclaire d’une nouvelle lumière.
  4. Chaque pas avec la Tradition, dans quelque circonstance que ce soit, à une époque quelconque, nous rapproche de la Vérité.

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  1. Orunmila a dit: «Exonère le Bien en suppliant le Sorcier et le Diable.
  2. Ils aiment les prières d’adoration. Leurs ardeurs fléchissent devant l’humilité.
  3. Mais n’oublie pas,
  4. Magnifie l’Homme par des louanges de vérité. Glorifie-le dans la Vérité.
  5. Fais en sorte que le soir, à l’heure du retour,
  6. Quand on te demandera combien de sorciers tu as vu, Tu répondes: ‘’un seul, l’Homme”
  7. Combien de démons tu as vu, Tu répondes: ‘’un seul, l’Homme” ».
  8. Respecte les principes de Lêgba et tu appréhenderas mieux la logique de l’enseignement du FA.

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  1. Au-delà du secret, le FA renferme la Vie.
  2. Je ne saurais épuiser le fond de cette démarche ascentionnelle sans t’amener à la demeure des Dieux.
  3. Si le FA a une cause à défendre, c’est celle du Ciel, du Dessein et de l’Homme.
  4. Or, tu l’as compris, ce travail se fait à travers l’Existant qui n’aurait aucun sens sans les humains.
  5. Les nombreux sens que nous donnons à l’Existant expliquent bien la complexité et la souplesse de ce qui anime notre foi commune : la Vie.

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  1. Si je dis que l’Existant se trouve en chacun de nous, je ne fais pas une postulation naïve. Je me réfère à la Tradition aussi bien qu’à mes expériences spirituelles.
  2. Tout ce qui est conçu en rêve, en imagination, en pensée, en parole ou en action par quiconque, existe.
  3. Dès lors que l’Existant est, tout ce qui l’exprime ou le magnifie est, s’impose et doit faire l’objet d’une considération réfléchie.
  4. S’éloigner de cette réalité équivaut à une hypocrisie intellectuelle, à une démission dangereuse.
  5. Seule la Science Suprême facilite la compréhension de cette voie de sagesse. On ne la trouve pas en s’armant de raisons.
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