Quarante-huitième apologie : Le Sel.
Qu’est ce qui est beau et bien qui n’a pas été construit par un effort, un sacrifice, une intelligence ou un savoir faire ? Quel destin s’accomplit sans un quelconque apport de soi, des autres ou de la Providence Divine qui englobe toute l’humanité ?
La mission du nouveau Prêtre d’Ifa est définitivement conclue. Il a suivi la liturgie qui lui a été dédiée. Il a goûté au Sel consacré. Il a pris connaissance du contenu de sa charge. Il devra s’allouer les moyens nécessaires à son accomplissement. Parmi les instruments additifs à sa connaissance de la nature des êtres et des choses, figure la forêt de Chami Chaman Odou Nla, le lieu de son initiation. Ce lieu sacré, lié à la communauté, au groupe d’Initiés qui le distinguera un jour à la face du monde, lui est présenté comme un produit à valoriser, comme un testament à préserver, comme un secret à garder, l’initiation s’imposant comme un apostolat placé sur la roulette du devoir et sous la surveillance de la probité.
|
A la fin de l’initiation, comme dans toute opération divinatoire, l’Iyèrosun se verse sur le sacrifice. Le Prêtre annonce la clôture des cérémonies et demande qu’on le congédie. Tous ses auditeurs s’empressent de lui faire des dons. Vœux et bénédictions achèvent leurs gestes. Le Livre se referme. Ifa retourne au Ciel. Les signes, les symboles, les objets sacralisés, continuent leur vie silencieuse dans le néant du Vodé, Akpo Ifa. L’univers attend une nouvelle ouverture des arcanes pour libérer un autre pan du Secret. Le Devin s’en va dormir dans les bras de l’Amour du Ciel, Amour Incommensurable qu’il voit agir tous les jours, au moment où il absout nos méchancetés, nos haines, nos jalousies. Non, il ne dort pas. Il veille en révisant ses leçons car, la Table, Okpon Ifa, débarrassée de la Toile, Oyè ou Iyèrosun, est restée en lui et renvoie à ses rêves les formes trépidantes du silence de la nature. Ces formes sont multiples. Elles constituent la boussole parlante que le Babalawo consulte dans ses recherches, dans ses voyages entre ciel et terre, dans ses rapports avec les profanes, dans toute occasion lui permettant d’accomplir sa mission. S’agissant d’occasions, il y a une, Odun Ifa. La fête d’Ifa commémore le Sacerdoce, là où tout à commencer pour les Babalawo. Son rituel est aussi enseigné au nouveau Prêtre. C’est le Forum Inter Monde. Celui-ci s’articule autour de onze différents statuts qui sont : Identité, Culture, Principe, Religion, Science, Remède, Adaptation, Symbole, Echange, Richesse et Engagement.
Dans cette apologie, l’Instructeur s’en tient au statut culturel de l’enseignement.
L’Instructeur :
1
- L’assistance pénètre le Forum, le lieu de la rencontre, et reste débout.
- Le Célébrant introduit la séance en disant :
- Reconnaissons que nous sommes les créatures les plus perfectionnées de Dieu.
- Nous avons reçu en partage l’amour et l’intelligence dans lesquels la Sagesse dépose ses talents.
- Nous naissons, grandissons, pensons, agissons et mourons.
- Nous sommes les produits les plus performants du Ciel.
- Nous savons que nous avons une destinée et une fin.
- Nous avons une vie intérieure et extérieure, visible et invisible, une manifestation agissante du Ciel qui nous imprime dans l’univers comme des acteurs privilégiés,
- Comme des porteurs de vie et un « celui des autres », partie intégrante du Tout.
2
- Glorifions ensemble ce bienfait de nos créateurs en priant:
- « Ilè Eniyan, Terre des humains,
- Eveille notre conscience à la maîtrise de nous-mêmes et de la nature.
- Fais de nous des porteurs de vie, de santé et de vérité.
- Donne-nous les hauts pouvoirs de l’humilité et du sacrifice.
- Epargne-nous de l’orgueil et de l’arrogance. Donne-nous le pouvoir qui ne nous sépare pas de nos semblables.
- Que les valeurs essentielles prédominent au sein de notre confrérie.
- Chaque jour, reflète la lumière du Ciel sur la voie que chacun de nous a choisi d’emprunter.
- Et que chacun de nous soit à la place de la lumière qu’il porte.
- Déracine nos paresses inutiles, nos avidités encombrantes. Jette-les loin, très loin de nos chemins de travail et d’abnégation. Sème en nous le goût du travail bien fait.
- Accrois nos bonnes volontés, purifie nos richesses.
- Trace, accompagne et bonifie nos réalisations. Fasse qu’elles nous soient enrichissantes et apaisantes.
- Inspire-nous avec les principes élevés. Ne nous abandonne pas sous l’influence des médiocres, des ignorants et des méchants.
- Prodigue-nous de bons et généreux conseils.
- Eloigne de nous les obscures et les profanateurs. Eloigne-les de nos assemblées et de nos tables.
- Brûle les infidèles, les mauvais curieux. Brûle les tricheurs, avale les traîtres.
- Bannis à jamais la trahison de nos rangs.
- Enlève la poussière des yeux des sceptiques.
- Guéris-les de l’obsession du greffon, Retourne-les à l’arbre auquel ils ont été enlevés.
- Récompense leurs mérites à chaque pas qu’ils font vers le progrès.
- Et que les bons soient élevés,
- Qu’ils aient part au partage de tes biens. Qu’ils soient unis et riches. Ici et maintenant. Merci. »
3
- Le Célébrant invite l’assistance à s’asseoir et dit :
- « Ceci est un programme de nos Ancêtres. Nous devons le réaliser tout le temps pour mieux réussir nos vies.
- Maintenant, faites passer le Sel de notre Alliance et que chacun le goûte à nouveau. »
4
- Puis, il récite l’un ou plusieurs des seize Aveux Sacramentels :
- « Le succès vient car nous surmontons la passivité. Nous recourons à notre intelligence primitive, à l’ignorance, pour surmonter certaines difficultés relationnelles.
- Nous cultivons patiemment les situations délicates, approfondissons les questions dans le silence pour vaincre l’adversité.
- Nous, nous soumettons pour mieux nous entendre et comprendre les autres sans perdre de vue notre force vitale, nos activités et notre esprit créatif.
- L’inaction volontaire est bénéfique. Elle nourrit la patience et fait surmonter le danger.
- Nous évitons les procès et les discutions inutiles. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un procès.
5
- Nos expériences ne nous trompent pas. Nos unions, alliances et pactes harmonisent nos foyers, nos relations et nos réalisations.
- Dans nos amitiés, nous recherchons des solutions conciliantes, faisons des accords, des contrats, des alliances pour une meilleure solidarité et, les résultats sont excellents parce que nos ententes sont parfaites.
- L’orage nettoie le ciel quand le vent est assez fort. Nous savons qu’un vent trop faible accumule les nuages sans les dissiper.
- Les actions faibles ont des résultats faibles.
- Une connaissance faible ne convainc pas assez.
- Nous avons des connaissances solides et nous savons nous conduire vers le progrès.
6
- Nous mettons dans nos entreprises des gens qui maîtrisent parfaitement nos objectifs, nos alliances et les respectent, des gens qui savent qu’une entente harmonieuse autour d’une organisation permet de mieux réussir.
- Nous savons tirer profit de nos alliances, de notre fraternité.
- C’est pourquoi, tous les jours, nous corrigeons les insuffisances de notre éducation avec détermination et attirons autrui avec persévérance pour mieux progresser.
- Nous fuyons la stagnation, la malhonnêteté qui sont des sources de négativité, d’arriération, d’hostilité et d’opposition.
- Encore une fois, l’union fait la force.
- Nous recherchons des amis utiles.
- Nous, nous lions-nous à eux par une alliance pure.
- Nous faisons entre nous des accords dignes pour des résultats pratiques.
7
- ‘’Tout ce qui est grand tend à se développer encore plus. Tout est favorisé au grand ou à celui qui veut grandir’’, a dit le Maître.
- Nous, nous perfectionnons et pensons qu’ensemble nous connaissons tout sans orgueil.
- La simplicité, le partage et l’efficacité nous donnent plus de dignité que l’orgueil.
- Nous respectons les usages malgré notre puissance.
- Dans notre Famille et par devoir, le plus fort cède sa place au plus faible.
- Pour nous, les difficultés, les soucis, les ennuis sont utiles car ils nous poussent à réfléchir avant d’agir.
8
- Nous utilisons nos pouvoirs dans la bienfaisance. Nous évitons les excès de pouvoir quand nous sommes chef.
- Tout en tenant à notre place, nous nous penchons sur nos inférieurs.
- Nous agissons avec les autres, nous leur montrons l’exemple du pouvoir partagé.
- « Un trop long pouvoir est nuisible à soi-même et aux autres» disent les Maîtres.
- Nous évitons le mensonge, la duperie.
- La vérité est la seule arme et la seule méthode dignes de nous.
- Nous sommes probes dans nos actions et dans nos paroles.
9
- Nous proscrivons le bavardage, la médisance dans nos relations.
- Avec soins, nous nous efforçons à l’élégance morale et physique.
- Nous ne détruisons pas, nous n’opprimons pas, nous ne renversons pas. Le malheur des autres ne nous sert à rien.
- Partout où nous passons, nous apportons des amendements, des corrections pour un juste équilibre.
- Nous restituons le juste, le beau, le bon et corrigeons nos erreurs.
10
- L’intégrité morale attire la chance.
- La justice est notre école. Elle nous pousse à la concorde et nous rend plus sûrs de nous-mêmes.
- Nous choisissons nos aliments physiques, intellectuels et spirituels avec soin. Nous n’exagérons rien.
- Le danger ne nous faire pas perdre confiance, ne nous sépare pas de nous-mêmes.
- Nous tendons toujours à briller et à nous cultiver pour atteindre la perfection et le succès.
- Nous nous soutenons et nous nous perfectionnons mutuellement. Nous survivons les uns par les autres.
11
- Nous taisons nos projets, nous les cachons aux ignorants, à ceux qui ne peuvent pas nous aider favorablement.
- Il est préférable de se cacher pour agir que de s’exposer à des critiques ignorantes.
- Plus la force de réalisation se coagule dans le secret et en nous, plus le succès est grand. Le faible ne réussit que faiblement.
12
- « Développement et croissance sont des signes de la force et de la perspicacité», disent les maîtres.
- Nous gérons assez bien nos triomphes en évitant à tout prix le déclin. Les arrêts dans la réalisation ne nous suggèrent pas le laisser aller ni l’abandon.
- Dans notre Famille chacun travaille à la place qui lui convient, c’est dans ce sens que la Famille bouge le mieux.
13
- Nous fuyons les contradictions nuisibles à nos aspirations. Nous ne nous opposons pas à nous-mêmes. Nous choisissons la meilleure voie.
- Lorsque nous nous trouvons devant un obstacle, nous ne nous montrons pas toujours téméraires car, la témérité n’est pas partout la meilleure disposition.
- Nous apprenons souvent à démêler les enchevêtrements. Nous, nous aidons à résoudre nos ennuis, à échapper aux difficultés et à franchir les obstacles.
14
- Réfrénons nos mauvais instincts. Contrôlons-nous pour réussir. Faisons passer les intérêts de la collectivité avant les personnels.
- Rompons avec l’égoïsme pour mieux nous enrichir.
- Nos succès sont grands parce que nous savons combiner souplesse et autorité, nous profitons de la Famille et de ses propositions avec joie et mesure.
15
- Nos rassemblements sont disciplinés.
- Nos unions sentimentales ou d’affaires sont sincères et obéissent à une discipline à la fois souple et sévère.
- Nous, nous unissons dans la confiance pour que l’épanouissement se concrétise.
- Nous entretenons toujours des relations fructueuses entre nous.
- Nous aimons les prospérités lentes, sûres et rassurantes car ce qui est petit est appelé à grandir.
16
- Détresse, abattement, sévérité excessive envers soi et envers les autres constituent des dangers pour notre avancée libre et prospère, nous le savons.
- Nous surmontons toute forme de négativité avec sérénité.
- Nous éclaircissons les obscurités de l’ignorance pour mieux réussir. Nous savons modifier nos idées, plans et nos projets au moment opportun.
17
- Le destin change et nous savons changer avec lui.
- Nos sacrifices, dons et offrandes sont faits en remerciement à la grâce et à la réussite.
- « Plus un panier de sacrifice est beau et conforme à la foi et à la bonté, plus la prospérité brille et grandit. » nous dit l’arcane.
- Nous ne faisons pas nos sacrifices à contre sens ni à contretemps.
- La peur et l’incompréhension peuvent nous faire commettre des erreurs de suspicion.
- Dans ce cas nous cherchons toujours à comprendre pour échapper au pire.
18
- Nous n’allons pas précipitamment à la besogne.
- Le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui. Nos progrès sont graduels. Une cadence régulière est préférable à la précipitation.
- Nous ne nous hâtons pas de donner ni de recevoir.
- Nous ne montons jamais plus haut que nous le pouvons raisonnablement.
- Nous évitons de faire beaucoup pour peu d’intérêts.
- La permanence ou l’incessibilité du changement met le Dessein en péril.
19
- Patience ou diplomatie n’est pas hypocrisie. La patience dans le choix vaut mieux que la dureté dans la force et l’aveuglement.
- Nous ne regrettons pas le passé et ne craignons pas l’avenir pour ne pas agir ou ne pas accepter le changement.
- Nous manifestons une joie sincère et permanente en toute chose et partout.
- La sérénité nous donne la confiance et la paix.
20
- Nous cherchons toujours les causes de notre échec.
- Les voies du succès vont plus s’ouvrir pour nous quand nous suivons nos plans dans le détail et dans l’ensemble.
- Vertu, droiture, altruisme, concorde, harmonie et ordre sont les feux doux d’une bonne communauté.
- Nous respectons la loi, nos principes et cultivons la confiance entre nous. Notre paradis n’est jamais mis en cause car nous comprenons ces choses par l’esprit et par l’action.
- Nous veillons rigoureusement sur nos acquis en empruntant la voie du progrès, de l’histoire et de l’éternité.
- La modestie, la modération, les alliances fortes et confiantes encouragent le parachèvement nos œuvres. Nous optons pour le durable et l’utile. »
21
- Une première lecture est faite par un assistant du Prêtre. Puis le Célébrant récite :
- Au soir du dernier jour, quand tout est silencieux et que le Lieu Sacré est illuminé, le chapelet de coques et de perles prend vie, la voix pure du Babalawo s’élève :
- « Commémorons notre renaissance avec l’arcane de ce jour.»
- Lecture de l’arcane. La Salaison. Récits.
- En souvenir d’Orunmila, le Célébrant récite :
- Au moment de retourner au Ciel, Orunmila s’arrêta au pied d’un palmier, ramassa une noix de palme par terre et dit à ses compagnons:
- « Moi, je retourne au Commencement. Vous ne me verrez plus. Mais vous verrez toujours cette noix. Prenez celle-ci. Mettez-la en terre.
- Elle germera et donnera une pousse. La pousse grandira et deviendra un palmier. Le palmier produira beaucoup de fruits.
- Mettez seize noix à part. Polissez-les à l’aide de la pierre. Lavez-les à l’eau lustrale. Débarrassez-les de toute impureté. Plongez-les dans de l’huile purifiée. Nettoyez-les, une à une. Frottez-les, les unes contre les autres.
- Protégez-les contre le souffle des vents. Enveloppez-les d’une toile blanche et propre. Conservez-les dans une calebasse, loin des mains impures.
- A chaque fois que vous aurez besoin d’une révélation, ayez recours aux noix consacrées.
- Elles ne vous tromperont pas sur vos aspirations.
- Devant elles, montrez-vous humbles et conciliants.
- Le sort les élèvera et vous ne les verrez plus. C’est alors que le monde me connaitra. »
22
- Le Célébrant prie :
- « Daigne l’Ancêtre faire que les barbares ne goûtent pas au sang dans nos maisons.
- Que le chemin de la perdition ne s’ouvre pas pour nous. Que la nuit ne tombe pas sur nous.
- Que nos orgueils ne provoquent pas des accidents dans nos maisons.
- Ne nous enfermons pas. Ne nous écrasons pas.
- Et que ce souvenir d’Agbé Ayé Dajo Orun demeure en nous pour l’Eternité que le Ciel nous a accordé. »
- Le Prêtre ajoute:
- « Bienheureux celui qui, dans la course, attend le vrai départ.
- Bienheureux celui qui poursuit son chemin contre vents et marées.
- Bienheureux celui qui a vu la Gloire et l’a suivie.
- Bienheureux celui qui, puissant, continue d’œuvrer pour le Bien.
- Bienheureux celui qui a tout donner pour l’édification de la Famille.
- Bienheureux celui qui prête son intelligence à la fortune de tous.
- Bienheureux celui qui fait de sa moisson, la moisson de tous.
- Bienheureux les constructeurs de la Tolérance, du Partage et du Progrès.
- Quand le feu s’éteint, il se couvre de cendre.
- Quand le bananier meurt, il laisse des rejets.
- Ne soyons pas le feu agité, brûlant et dévastateur.
- Soyons le bananier calme, frais, doux et prévoyant. »
- Le Célébrant énonce après un silence :
- « Maintenant, initions la chaîne qui fera l’histoire de notre solidarité. Donnons-nous la main en signe de confiance, de mutualité, de complémentarité et de solidarité indéfectibles. »
Après un silence, l’assistance se recueille et se donne la main après l’avoir posée sur l’épaule gauche.
23
- Vœux et intentions. Programme. Le Célébrant dit :
- Ce Forum ne ressemble pas à un autre. Ce lieu ne ressemble pas à un autel.
- Tout ce qui s’est passé aujourd’hui, nous a vus naître et grandir.
- Ne trahissons pas nos secrets, celui qui sait ne trahit pas.
- Chers frères et sœurs, séparons-nous dans la joie d’avoir célébré l’Humanité Divine.
- Nous l’avons fait contre l’ordre des doctes et des dogmes. Faisons toujours ainsi en ayant soin de ne pas livrer la Nuit à l’ignorance.
- Dans la Nuit, un soleil se lève. Je vous laisse cet espoir, qu’il entre dans vos réalisations et qu’il nourrisse vos vies.
- Maintenant partez et que vos faits, gestes et paroles suscitent des hommes et des femmes mûrs pour toutes les nations en proie à des vieilleries animales. Partout, chantez le Si Fa So.
- Allez, allez achever le labour entamé.
- Soyez les semeurs du bon grain.
- L’Univers arrosera vos œuvres.
- Ici et maintenant. Merci.
