MONOGRAPHIE 2

16 mars 2022

MONOGRAPHIE 2

Le Seuil

Le Portier vérifie les paniers de terre, d’eau, de feu et d’air du candidat. Les yeux bandés, le néophyte, accompagné de lui et de nombreux autres initiés, demande aux portes du Mystère de s’ouvrir. Un dialogue mi-clair mi-obscur s’entame entre l’extérieur et l’intérieur de la forêt sacrée. Une étincelle jaillit. Les yeux de l’esprit s’ouvrent. Le futur prêtre voit plus clairement le mystère qu’il avait pu auparavant entrevoir dans le cadre du rite d’admission au rang des adultes de sa communauté, le Fatitè. Le Portier, comprenant son silence et sa vocation, l’encourage dans ses réflexions et lui prodigue des conseils inspirés des signes et des symboles du Fa. Muni de ce viatique, le nouveau venu sort de la banalité humaine. Il franchit l’étape charnière qui lui permet de choisir entre le vulgaire et l’original. C’est à ce stade qu’il devient capable de faire le départ entre le visible et l’invisible, entre l’ombre des choses et la lumière spirituelle, entre le profane et lui-même, et cette démarche exige un certain courage. La conscience intime de cette singularité, plus que la simple maîtrise de soi, assoit un tribunal de raison dans la pensée du futur prêtre. Il s’approche d’une porte qui soudain le livre à son sort.

Le Néophyte :

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  1. Agamrara, ago o. Ago o nilé awo Olodumaré. Ô porte sacrée, ouvre-toi.

Une voix de l’intérieur de la forêt :

  1. Ago o. Je m’ouvre.
  2. Tchè-Tula m’a dit :
  3. « Préparez la calebasse. Je vois venir les seize prêtres avec en main l’hysope qui purifie les lieux souillés. »

Le Néophyte :

  1. Ago o ni odé ayé. Ô Grande Calebasse, ouvre-toi.

Une voix :

  1. Ago o. Je m’ouvre. Mais étranger, je ne t’invite pas à garder la foi dans le néant. Je t’exhorte, en face du néant, garde ta conscience.

Le Néophyte :

  1. Ago o ni ilé Ododo. Ô Gourde de la Vérité, ouvre-toi.

Une voix :

  1. Ago o, je m’ouvre. Mais qui es-tu ?

Le Néophyte :

  1. Je suis un enfant aveugle jeté dans la brousse du Mystère. Je recherche la Voie. Je recherche le Fa. Je recherche la Vie.

Une voix :

  1. Opèpè-Alè, prenez-lui son panier de terre.
  2. Ajalorun T’orun, prenez-lui son panier d’eau.
  3. Imoran, prenez-lui son panier de feu.
  4. Afèfè-Lèlè-Awo-Isalayé, prenez-lui son panier d’air.
  5. Ijokoo-Birikiti-Kalè, faites-le entrer chez Atchorohounga et donnez lui à manger la cuisse du poisson Ojurere-Nwo-Won.

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Plusieurs voix chantent du fond de la Forêt Sacrée :

  1. Kanankan Awo Oduduwa a pris Losso-Abla.
  2. « J’ai traversé l’air, j’ai vu le feu, pour un jour joyeux, pour un jour triste.
  3. Où est la Forêt de Chami Chaman Odou Nla?
  4. Poutouro Ajalawo Agamarara a pris Abla-Losso.
  5. Ceux de la Forêt ont perdu la tête.
  6. Mon nom leur donnera une tête.
  7. J’ai traversé l’eau et j’ai vu la terre, pour un jour calme, pour un jour bruyant.
  8. Où est la Forêt de Chami Chaman Odou Nla?
  9. Kousso Obba Kousso a pris Aklan-Di.
  10. Ceux de la Forêt ne savent plus rien.
  11. Mon nom leur donnera le Savoir.
  12. Mashamon Orunmila a pris Di-Aklan.
  13. Lave leur tête. Qui lavera la tienne ?
  14. Alors, j’ai dit :
  15. Ababi-Abamon-Abatché-Niti-Awo-Odou-Nla. Ciel, découvre-toi à celui qui veut te connaitre.

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Le néophyte, dans une chanson, ensemble avec sa suite :

  1. Ô ténèbres. Ô lumière. Ô profanateur. Il te manque, hélas, la clef de la soumission à la Vérité.
  2. Qui me dit : « Assèche l’océan et que pointe le repère ?»
  3. Que me veut l’Oracle ? Que me veut cette vallée de peines ?
  4. J’invoque le Ciel. Une ombre couvre le monde.
  5. J’invoque la Vie. Elle est trouble et tumultueuse.
  6. J’invoque l’humanité. Elle ne répond pas à la Gnose.
  7. J’avance dans un lieu sombre, une lumière apparaît.
  8. Ô Grand Dieu, consolateur de mes jours de solitude,
  9. Rayonne et sème en moi les graines de la Vérité qui me libère.

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Le Portier, à haute voix :

  1. Voici l’entrée, voici l’intérieur, voici la sortie, quel est ton choix ?
  2. Ô néophyte, loue la Mère de l’univers. Il n’y a pas meilleur sort que ce signe de gratitude.
  3. Fu-Yèkou : « Lis plus souvent l’ombre. Elle est l’autre demeure de ta félicité. »
  4. Abla-Lètè : « De tout ton cœur mets la main dans la calebasse de l’alliance, c’est le pacte de ta survie. »
  5. Sa-Fu : « Apprends le savoir plus longtemps que le rêve. La réalité et l’illusion sont congénères. »
  6. Fu-Sa : « Travaille la Connaissance jusqu’au soir de l’extase. La sagesse n’a pas une autre source. »
  7. Woli-Abla : « Sois laborieux. Donne à tes mains une matière perpétuelle. La victoire s’attache au bras de l’Éternel. »
  8. Losso-Fu : « Fleuris le temple avec les rameaux du palmier. Tu gagneras le paradis pour l’honneur de ses perdants.
  9. Ô souviens-toi, avant de te taire, plante ton palmier.

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  1. Pendant que la nuit veille, interroge le silence. À l’aurore, songe au Fa. Cueille-le, sa fraîcheur craint le soleil.
  2. Épargne-lui les clairs de lune. Au grenier, il répand mieux le parfum qui absout l’ignorance. »
  3. Gbé-Lètè : « Contribue au sort, bien qu’il te soit tracé ce que tu n’as jamais voulu. »
  4. Mais plus sage, regarde ton étoile, celle qui dore le champ du destin.
  5. Ainsi, au crépuscule, quand l’Oracle paraîtra au pied de l’Arbre Sacré, tu diras : “J’ai fait mon œuvre comme un dieu”.
  6. Parce que, comme l’a dit Woli-Gbé, tu n’auras jamais oublié que tu as été fait créateur et juge de ta destinée.

Le Portier ôte le bandeau des yeux du néophyte et le lui noue au cou

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