Le Mythe.
L’invisible est aussi préoccupé par le sort des enfants du FA qui, si près de la lumière, ne voient pas. De l’au-delà, le sage rapporte une vision assez édifiante pour encourager le missionnaire dans sa tâche difficile et périlleuse mais, exaltante s’il puise ses forces dans un credo traditionnel et universel. Le sage instructeur a aussi un maître invisible qui n’est autre que celui qui lui avait montré sa mission. Aujourd’hui ce maître lui fait ce que lui-même demain fera dans l’ombre pour le nouveau prêtre. Le sort de la Tradition se trouve dans ce passe main et dans l’assimilation qu’en font ses utilisateurs, de génération en génération.
Le Sage :
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- Je me souviens encore d’un moment révélateur que je te prie de porter à la connaissance des femmes et des hommes qui s’approcheront de la lumière du FA.
- C’était un jour sans lumière. Le temps et l’espace s’accordaient pour m’apprendre les 4096 noms du Grand Dieu, Oricha Nla.
- Je contemplai alors dans le silence des lieux, un Vieillard Noir. Ses yeux étincelaient. Un fil brillant, au sommet de sa tête, le reliait au firmament.
- Il avait en main une large feuille d’hysope.
- Son pied droit était un serpent. Une croix faisait son pied gauche.
- Devant lui, sur un tapis de verdure, un monstre informe et incolore, semblable à un géant embryon, agonisait.
- Saisi de peur, je me mis à genoux.
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- Le Vieillard Noir me dit: « Ne crains pas. Lève-toi. Personne avant toi n’a eu cette vision. Aucune créature n’en aura après toi.
- Maintenant que tu guéris de l’obsession du greffon et retournes à l’arbre auquel tu as été enlevé, mets-toi à l’œuvre pour sortir les autres de là. »
- Il promena un bras dans le vide au-dessus de ma tête. A nouveau je pris peur et il disparut.
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- Un instant après, il réapparaît.
- Je l’ai vu au milieu d’une foule en liesse. Son teint noir ne l’avait pas quitté.
- Sa tête couverte de cheveux crépus m’avait paru énorme.
- Ses mains, en mouvements saccadés, battaient une mesure incompréhensible.
- Dans sa main droite, à la place de la feuille d’hysope, il tenait un Okpèlè, dans la main gauche, une queue de cheval.
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- Il promène son regard lumineux sur la foule et dit: « Mes chers enfants, aujourd’hui, devant vous, se réalise la Révélation.
- Ce que Chami Chaman a appris, que Oduduwa a hérité, que Obba Kousso a entretenu et que Orunmila a enseigné s’achève maintenant en moi.
- Sur la montagne au bord de l’océan, je vous le transmettrai. Suivez-moi ».
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- Attiré par ces étranges propos, tout le monde, enfants, femmes et hommes, l’avait suivi.
- Il marchait devant.
- Il s’arrêtait par endroit et tendait les mains vers le ciel dans un geste qui faisait balancer le chapelet d’arrière en avant.
- Puis, il reprenait son chemin sans rien dire.
- La foule, elle, faisait de grands gestes, plus de gestes que lui.
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- Au bout du chemin, le Vieillard noir s’adossa à un rocher.
- Je n’avais pas su à quoi il pensa en portant sa main droite à son épaule gauche.
- Il baissa la tête. Ses pieds, cette fois-ci, sans serpent et sans croix, sont nus et poussiéreux.
- « Mes chers enfants, dit-il, la tête relevée. Nous voici au pied de la montagne de ma gloire.
- Ce que j’ai fait jusqu’ici ne se recommencera pas.
- Mes voies s’achèvent où commencent les vôtres.
- J’ai traîné les pas dans la poussière des rues, vos pieds ont effacé mes traces, le vent viendra et vos empreintes disparaîtront.
- Levez-vous au risque de vous retrouver écrasés par l’illusion.
- Prenez courage et que les uns se lèvent pour que les autres les suivent.
- Il faut des premiers pour qu’il y ait des suivants.
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- Je vois la lumière naissante.
- Elle n’a eu besoin d’un autre lieu d’accouchement que cette prairie que dominent de gigantesques formes.
- Je vous exhorte, soyez le berceau du Vrai.
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- La terre est couverte de grandes et de petites choses.
- Les grandes écrasent les petites bien qu’elles exploitent ensemble les mêmes conditions de vie, le même environnement, la même lumière.
- Regardez cette montagne.
- Sans scrupule, elle empêche la tendre mer de venir arroser la prairie sur laquelle nous nous trouvons.
- De pareilles scènes sont innombrables ici-bas.
- Vous en trouverez de plus lamentables après moi.
- Que cherche la grande chose ? Que cherche la petite chose ? N’est-ce pas qu’elles répondent toutes, chacune à sa manière, à l’appel du Dessein ?
- La quête n’aura pas de fin.
- Rien n’enrayera la mission de la Sagesse.
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- Ce qui est vide sera rempli.
- Ce qui est rempli sera vidé.
- Désemplir.
- Telle sera la cadence de votre marche vers le Ciel.
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- Pour vous affirmer vous n’aurez pas seulement à vous convaincre vous-même, mais aussi, à convaincre le Ciel et la Terre au prix du sacrifice de vos différences batailleuses, de vos lâchetés inutiles, de vos paresses hurlantes.
- Vous avez beaucoup de choses intéressantes à faire mais, pris au piège de la misère, vous courez, vous pataugez, vous tâtonnez pour ne rien faire.
- Vous vendez vos convictions au prix de vos œuvres profanatoires.
- Vos exploits honorent autrui et vous ne faites rien pour vous-mêmes.
- Les dons en vous ne font pas que sommeiller, ils se meurent.
- Tchè-Woli n’a-t-il pas raison ?
- ‘’Au milieu de l’abondance, la soif, la faim et l’indigence permanente moulent votre arriération, retardent votre salut.
- Les temps sont déjà arrivés où complètement divisés sur l’idée de vos aspirations communes, vous vous retrouverez totalement abrutis et incapables de vous réaliser.’’
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- Restez où vous êtes. Moi, je grimpe les éboulements de ces rochers. De là-haut je vous bénirai et, après, je redescendrai. »
- « Attendez Maître. Allons chercher des fleurs», cria quelqu’un dans la foule.
- Déjà, les parterres autour des maisons sont envahis. Des roses et des hibiscus sont arrachés.
- Mais, fait étrange, toutes les fleurs cueillies s’étaient transformées en feuilles d’hysope.
- Dans la surprise générale, le Vieillard lève les bras et dit:
- « Je vous laisse la Révélation.
- Elle vous permettra d’aller au-delà des fosses communes, de dépasser les eaux boueuses qui pendant longtemps ont jeté l’opprobre sur le Dessein.
- Grâce à elle, vous détruirez les ornements défraîchis qui retiennent vos esprits dans les ténèbres.
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- Je vous conjure au nom du FA à la construction d’un univers moral, social et spirituel commode, fait de beauté, d’amour et de travail,
- Un univers dans lequel l’abondance sera la libre conquête de chacun, où, sans tuer, ni voler, les humains échangent leurs expériences pour se construire et se fraternisent pour survivre.
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- Vous dites que la vérité est au bout de l’histoire. Moi, je vous dis : il n’y a pas une vérité finale s’il n’y a pas une vérité au commencement.
- Vous n’aurez pas besoin de la fin pour vous juger.
- Un être vivant qui ne sait pas ce qu’il attend de lui-même est vulnérable.
- Une société qui ne sait pas ce qu’elle peut faire elle-même est vaincue.
- Le but est s’organiser pour vaincre. Tout autre comportement devant la vie, contrarie les énergies intérieures.
- L’Invisible ne se réalise que dans la conjugaison généreuse des intelligences guidées par le Dessein du Ciel.
- Je vous donne un conseil.
- Si vos têtes ou vos mains ne peuvent plus servir, il vaut mieux les enlever. Elles seront plus en paix ailleurs que dans cette société où le travail et la réflexion talonnent tout le monde. »
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- Le vieil homme souffle sur la foule et dit: « Recevez le dernier espoir, celui de votre salut. »
- Une pluie de feuilles d’hysope encouragea ses premiers pas sur les rochers.
- Il s’arrêta, se retourna et promena son regard étincelant sur la foule ensorcelée par son calme.
- « Gloire au Ciel et à la Terre », proclama-t-il.
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- Je ne vis plus rien.
- Mais j’ai compris la suite comme lui-même l’avait décrite à tous ceux qui suivaient ses pas dans l’ombre de la Forêt Sacrée.
- Là-bas, il aurait rassemblé ses mains sur son visage noir et aurait prononcé des paroles sacrées qui ôtent l’ignorance de nous autres, troupeaux abscons, cloués de terreur au bas du récif.
- Puis, la tête la première, il se serait lancé dans un royal plongeon de haut vol.
- Ceux que cette cérémonie solennelle avait rassemblés ce jour-là, ne sauront rien de cette suite.
- Pour eux, le Grand Maître Noir demeure, comme l’océan qui l’a englouti, l’immense calebasse des offrandes de merveilles.
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- C’est ainsi dans le bac épouvantable des choses de ce monde. Celui qui veut se hisser devant le commun destin doit choisir l’océan comme tombeau et, comme corbillard, la draperie houleuse des cordières imaginaires.
- Voilà comment le Maître Invisible me l’a enseigné.
- Cher enfant, tu marcheras longtemps avant d’atteindre les cimes.
- Refuse les fleurs du bas du récif. Accepte l’hysope comme ornement et va t’offrir à l’estrapade de la Tradition.
- Regarde les pierres qui agressent tes pieds nus. Ce sont les mêmes pierres des douleurs de tous les Maîtres.
- Songe aux plaisirs et aux joies que tu t’en vas ensevelir dans le vide de la grandeur et, sans remords, plonge.
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- Au cours de nos longues randonnées à travers les mystères, combien de fois m’as-tu dit que tu ne sais plus où se trouve ta foi?
- J’ai choisi la fin de cet ultime drame pour te répondre.
- En science, on sait et on raisonne. En religion, on croit et on s’aliène. Dans nos traditions, on vit et on réalise, et l’acte réalisateur est créateur par excellence.
- Souviens-toi de la leçon. Tula est parole et foi. Tchè est action et vie.
- A chaque fois que tu réalises un envoi par l’union Tchè-Tula, tu poses un acte porteur de vie, tu crées, tu tisses, Ô Prêtre des Dieux à la face du monde, l’Esprit duquel jaillit le Commencement.
- Ne cesse pas de réaliser et tu ne perdras plus jamais ta foi.
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- Quand tu veux pratiquer le Secret, mets l’Energie, le Corps et la Mesure de la Foi à côté de la Vérité.
- Accepte alors que les profanes te disent qu’ils ont tout compris, qu’ils maîtrisent tout, qu’ils connaissent la vérité car, la vérité est encore cette foi que tu as utilisée pour faire le secret.
- Peut-être qu’un jour, au coin d’un feu sordide, le blasphémateur repensera à ton œuvre déjà glorieuse,
- La lueur de ta clairvoyance illuminera son cœur de joie.
- II tressaillira de gaieté sans jamais chercher à savoir que la cause de son enthousiasme a été recueillie dans les ténèbres mouvantes.
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- Recrée le merveilleux mais ne t’abandonne pas aux sombres contrariétés de la comédie humaine.
- Ton admirateur a-t-il jamais adhéré aux brasiers incandescents?
- Rien en lui n’a jamais mûri, n’a jamais rougi. Pourquoi le condamner?
- Sache aussi que quand ton œuvre te quitte, elle ne t’appartient plus. A ton grand damne, elle animera des débats, ornera des planchers et même le portique des églises monstrueuses.
- Que cela ne te fasse pas abandonner la Science à la souillure de l’ignorance.
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- Trukpin-Yèkou te le répètera sans cesse: « A la tâche, tu reconnaîtras ton lever mais jamais ton coucher. Tu ne sauras jamais où te conduisent tes pas. »
- Que de douleurs pour toi quand le Sel de l’Alliance atteindra les extrémités de la Terre! Tes mânes ne connaitront plus de repos.
- Elles seront mises à la traîne de la cupidité et seront sans cesse remuées par la soif des merveilles.
- Abla-Woli a dit: « Ce que nous perdons ne vaut pas ce que nous gagnons. Veux-tu la gloire? Sois conscient de ce que tu as taillé pour les autres.
- Le respect des règles de jeu du Dessein ne donne une autre consolation que celle entretenue par un esprit de discernement. »
- Sache ce que tu fais et assume tes responsabilités. Voilà la justice.
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- Devons-nous nous enorgueillir de notre mission quand nous savons qu’elle n’est que l’art d’installer les autres dans un fauteuil avec le ferme espoir qu’un jour ils percevront la Lumière que la Sagesse sème dans Ses Œuvres ?
- Gare à nous si cet espoir ne luit pas. On nous traite de vendeurs de charmes, d’escrocs.
- Mais, dis-moi, que vendons-nous qui ne soit sorti des usines du Dessein ?
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- Les têtes bien remplies se moqueront de la Science Suprême parce qu’elles manqueront de méthodes dites réalistes pour réfléchir le Vrai.
- Du coup, elles opposeront la Science au Salut, le Savoir au Spirituel.
- Mais n’en ris point.
- Une philosophie partisane ou vindicative ne peut guère nous conduire au progrès et à la paix.
- Compréhension, tolérance et action dans le sens d’une cohabitation productive de valeurs pour tous, voilà notre engagement.
- Ne te soucie donc pas des calomnies. Ne pense pas à tes douleurs.
- Vois plutôt la Tradition qui, à travers les invariants de son mystère, embrase l’humanité toute entière.
- Et, souviens-toi toujours d’Abla-Woli, ce que l’autre te fait perdre quand tu l’enseignes, ne vaut pas la Lumière que tu gagnes.
