1940. Yèkou-Mèdji
Celle que nous accusons est innocente.
Suspectons autrui si c’est nécessaire.
La malotrue n’est pas celle qu’on attend.
N’amplifions pas ce malheur.
La catastrophe nous surprendra.
Au bord du fleuve de la Vie,
Ces noms ont consulté pour une personne.
Yèku Mèdji lui dit:
« La mort arrive.
Elle est derrière toi.
Elle aussi devant toi.
Tu dis que ton frère est un piroguier.
Il habite l’autre rive.
Tu l’attends.
Il ne vient pas.
Ton frère le piroguier ne vient pas.
Depuis des années tu l’attends.
Le fleuve est là, tu es là.
D’autres comme toi, hommes, femmes, enfants, viennent.
Ils te regardent. Ils te dépassent. Ils passent. Ils marchent. Ils nagent.
Ils rament. Ils passent. Tu es là.
Tu attends ton frère, le piroguier.
Ta tête et ton corps ont blanchi.
Tu ploies et tu attends.
Des heures ont sonné.
Des bacs ont levé le voile. Tu attends.
Un jour, Celui qui n’attend pas viendra à ton secours.
Il t’amènera chez ton frère.
Ton frère ne te reconnaitra pas.
Toi aussi, tu ne reconnaitras pas ton frère, le piroguier.
Celui qui n’attend pas te ramènera sur tes pas.
Des visages étranges passeront et repasseront.
Toi, tu attendras ton frère le piroguier.
